2011-2014 | ANR French-German - LOTWOR Local Traditions and World Religions: The Appropriation of ‘Religion’ in Southeast Asia and Beyond”

Local Traditions and World Religions:

The Appropriation of “Religion” in Southeast Asia and Beyond

Cette opération de recherche franco-allemande, quia réuni entre 2011 et 2014 neuf chercheurs du Centre Asie du Sud-Est et quatre chercheurs allemands, portait sur l’appropriation de la catégorie « religion » dans diverses sociétés d’Asie du Sud-Est, par des processus de localisation de religions universalistes et d’universalisation de traditions locales. Ses résultats sont réunis dans un volume collectif, à paraître sous la direction de Michel Picard.

Au fil des recherches accomplies sur leurs terrains respectifs par les participants à cette opération, la cohérence entre les différentes contributions a émergé autour des questions que suscite la notion de « rencontre » de la « religion » en Asie du Sud-Est. Par « rencontre », nous entendons le fait que des sociétés dans lesquelles la « religion » – en tant que domaine spécifique et circonscrit – n’existe pas, se trouvent confrontées à cette catégorie exogène. À partir de ces prémices, nous avons construit la grille d’analyse suivante :

1) Qui sont les acteurs responsables de l’introduction de la catégorie « religion » dans les sociétés considérées ?

2) Quels sont les phénomènes que ces acteurs identifient comme appartenant à la « religion » dans les milieux sociaux étudiés, et quels sont ceux qu’ils récusent comme n’en relevant pas ?

3) Comment est perçue la catégorie « religion » par les populations locales et comment son appropriation s’inscrit-elle dans l’ordre sociocosmologique indigène ?

4) Plus généralement, quelles sont les implications de cette « rencontre » avec la « religion » pour les sociétés étudiées ?

Nous avons constaté qu’au nom de la modernité, du progrès et de l’unité nationale, les États de l’Asie du Sud-Est contemporaine ont tendance à imposer à leurs populations de professer une religion. Si bien que l’on peut qualifier leur politique religieuse de « religionisation », avec pour implication que les adeptes des traditions indigènes sont considérés comme « n’étant pas encore religieux » et qu’ils doivent en conséquence être « religionisés ».

En analysant le champ vernaculaire du religieux sur nos terrains respectifs, nous avons rencontré deux termes principaux pour signifier la « religion » : sasana et ses variantes lexicales dans les sociétés bouddhisées de la péninsule, et agama dans les sociétés islamisées de l’archipel. La question est d’élucider comment sasana et agama ont acquis le sens de « religion » et ce qui en est résulté.

Dans les sociétés bouddhisées, sasana est généralement contrasté aux cultes des esprits, et ce contraste est diversement conceptualisé selon les différentes localisations du bouddhisme théravada. Trois études portent sur ces questions : celles de Bénédicte Brac de la Perrière en Birmanie, d’Anne Guillou au Cambodge et de Guido Sprenger au Laos. Ce qui permet une comparaison entre ce que les Birmans appellent thathana, les Cambodgiens sasna et les Laotiens sadsana.

Dans les sociétés islamisées, agama est diversement contrasté au terme adat (la « tradition »),selon que la religion qui incarne localement l’agama est l’islam, le christianisme ou encore « l’hindouisme » balinais. Cinq études portent sur l’archipel insulindien : Michel Picard et Annette Hornbacher examinent les tenants et les aboutissants de l’invention de la religion balinaise comme « hindouisme » ; Jos Platenkamp et Cécile Barraud analysent les rapports croisés entre islamisation et christianisation aux Moluques ; et François Raillon s’intéresse au processus de sécularisation et à ses effets en retour sur le religieux dans l’Indonésie de l’après-Suharto.

Enfin, André Iteanu étudie les processus de christianisation en Papouasie-Nouvelle-Guinée.