Langue, histoire et sources textuelles du Cambodge ancien et moderne

Programme 2022-2023

du 26 février 2024 au 24 juin 2024

de 16h30-18h30

INaLCO, 65 rue des Grands Moulins 75013 Paris

Organisateurs :
Eric Bourdonneau
Grégory Mikaelian
Dara Non

Ce séminaire se propose de mener conjointement l’examen de corpus de natures et d’époques différentes en relevant, dans chacun des cas, les éléments susceptibles d’alimenter une première réflexion sur la pratique de l’écrit (et son inscription plus ou moins profonde dans l’oralité), sur les formes de la mémoire et sur l’élaboration des principes du droit. Ce faisant, il s’agit de s’interroger sur la nature de nos sources (qui ne l’ont pas toujours été en ce sens) en prêtant attention, ici comme ailleurs, à leurs conditions de production, d’usage et de réception.

En 2023-2024, ce sont les pratiques de fondation, de conservation, de restauration, de destruction et enfin de restauration, articulées ou non en un cycle, qui fourniront les points d’entrée de nos textes, en y ajoutant le thème, peu traité au sein des études khmères, de la mélancolie. Les séances consacrées aux textes les plus anciens, ceux des inscriptions antérieures au XVe siècle, se concentreront tout particulièrement sur le corpus épigraphique de l’histoire longue et complexe du culte dit du « Devarâja », dont la compréhension constitue l’un des fils rouges des recherches menées par Éric Bourdonneau.

Grégory Mikaelian poursuivra ses travaux sur les matériaux juridique de l’époque moyenne. Avant le sentiment de mélancolie qu’affectent la littérature et la chanson cambodgiennes contemporaines, et avant même que ne s’installe l’acédie de la chute de Longvaek (1594) dans les Chroniques royales des XVIIIe et XIXe siècles, le XVIIe siècle se distingue, à côté de l’émergence d’une première littérature de la nostalgie (du terroir et de l’être aimé), par la naissance et l’affirmation d’une littérature juridique. Froide, technique et prodigue d’une justice géométrique restituant à chacun sa part selon son rang au bénéfice d’un retour à l’ordre dans le royaume, elle bannit quant à elle toute expression de regret complaisant face à la perte ou au mal être. Elle procède ce faisant d’un exercice de restauration volontariste, lequel figure comme une des modalités de la temporalité bouddhique, qu’il incombe au roi de mettre en œuvre pour régénérer la pureté morale du royaume dans l’attente des derniers temps. Face à la pesanteur karmique et au sentiment d’inéluctabilité qu’elle entraîne, immortalisés diversement et à différentes époques par les poètes de cours, les prêtres du palais, puis les romanciers et les chansonniers, les juristes du XVIIe siècle prônaient en somme l’échappée belle par la force du droit et du roi.

Le séminaire accueillera également les interventions de Non Dara et Marie Aberdam. Comme lors de l’année précédente, elles offriront d’utiles contrepoints ou « répliques » aux séances sur les périodes les plus anciennes depuis, dans un cas, l’espace de travail du linguiste, en revenant sur les points de compréhension et de traduction les plus problématiques des corpus étudiés dans les précédentes interventions) et, dans l’autre, le champ des études coloniales dont les sources, et leur diglossie inédite, renouvellent profondément les mots et la pensée de la fondation, de la conservation, etc.